Dombes : 1579, un millésime inédit pour une pistole de Louis II de Montpensier


L'article suivant est le fac-similé d'un article que j'ai écrit pour le deuxième numéro de la revue OMNI (numéro 2 de décembre 2010)
NB :dans le corps de l'article, les numéros des références bibliographiques sont ceux qui figurent ci dessous tels qu'ils ont été utilisés pour l'article. Ils diffèrent légèrement de la bibliographie du blog



Dombes : 1579, un millésime inédit pour une pistole
de Louis II de Montpensier « en hommage à Louise »




L’objet de cet article est de faire découvrir au lecteur une monnaie exceptionnelle de la Dombes. Il s’agit d’une pistole d’or de Louis II de Montpensier de 1579, millésime encore inconnu à ce jour.

Il est en effet peu courant de mettre au jour un nouveau type ou un nouveau millésime, mais c’est plus rare encore en ce qui concerne les monnaies d’or, car elles représentent une grande valeur et ont de tout temps été thésaurisées. La grande majorité d’entre elles est donc connue, décrite et répertoriée.
Après avoir replacé notre monnaie dans le contexte des émissions d’or de la Dombes, nous en ferons une description plus approfondie.


Le monnayage d’or en Dombes


Le monnayage d’or de la principauté de la Dombes est intéressant à plus d’un titre. Autant le monnayage d’argent, billon et cuivre copie les modules, types et même portraits du monnayage royal de l'époque, autant le monnayage d’or s’en démarque par des emprunts aux pays voisins, Italie et Espagne notamment.

Le numéraire d’argent et de billon, puis ultérieurement de cuivre, était utilisé quotidiennement dans les transactions courantes. De plus, le monnayage de la Dombes avait pour particularité d’être accepté dans tout le royaume par privilège du roi (1). Il devait donc être facilement et immédiatement identifiable par des utilisateurs qui n’étaient pas nécessairement lettrés.

A l’inverse, le numéraire d’or constituait à la fois une vitrine (affirmer le prestige d’un prince, montrer le savoir-faire des monnayeurs), et était utilisé pour des transactions « internationales », de par sa valeur libératoire élevée. Il pouvait donc s’asseoir visuellement sur des représentations plus larges puisque s’adressant à des utilisateurs avertis et fortunés. Pour autant, très peu d’exemplaires nous sont parvenus, et ce, pour tous les princes qui en ont produit, accréditant plutôt l’hypothèse d’émissions de prestige.

Dès le règne de Jean II de Bourbon (1456-1488), on voit apparaître des émissions de prestige en or.

Le cavalier d’or est directement inspiré du ducat de François Ier Sforza, Duc de Milan. C'est une monnaie historiquement importante car la première de la Renaissance à renouer avec l’usage antique de représenter sur les monnaies le portrait du souverain, et ce, en 1462 (1, 15).









Ducat de Francesco Sforza
(vente Varesi # 54/149 du 18/11/2009)





En reprenant cette représentation du portrait, Jean II, puis son frère Pierre II, font figure de précurseurs sur le sol français, puisque Louis XII n’introduira le teston d’argent dans la France royale qu’environ un quart de siècle plus tard, vers 1514 (1, 5, 16) et il faudra même attendre jusqu’en 1549 pour voir un portrait de Henri II sur un écu d’or royal français (16).









Cavalier d’or de Jean II de Bourbon
(collection privée)





Par la suite, les ducs de Bourbon Montpensier émettront des pistoles et demi-pistoles que nous verrons plus bas.

Marie et Gaston, quant à eux, calqueront plus leur production sur les monnaies royales françaises de l’époque : écus et doubles écus, Louis et doubles Louis. Il faut toutefois remarquer que l’écu de Marie ressemble en tous points aux demi- pistoles de Louis II.

Enfin, la Grande Mademoiselle, Anne-Marie-Louise d’Orléans, n’émettra qu’un sequin imité de ceux des Doges de Venise, non daté.


La pistole


La pistole, héritée du système monétaire de l’Espagne, représentait la valeur de deux écus, son poids moyen s’établissant en Dombes à 6,53 grammes. Elle est communément appelée « double écu », la demi-pistole prenant la dénomination attendue d’« écu ». Seuls Louis II et François II ont émis des pistoles.

La pistole de la Dombes la plus communément rencontrée est celle au millésime 1578 pour Louis II. Elle est recensée dans de nombreuses collections, tant publiques que privées, et bien sûr dans les ouvrages de référence (1, 2, 4, 7).

Pour ce qui est des autres millésimes, Mantellier cite un exemplaire de 1575 dans le cabinet du Roi (2) ; un autre, de 1582, s’est vendu à Paris en 2006, lors de la dispersion de la collection Couchard (13).

La pistole de François II de 1587 possède quant à elle un statut à part étant la seule monnaie d’or et à ce seul millésime pour ce prince. À notre connaissance, seuls deux exemplaires sont recensés à ce jour. Le premier dans la vente Claoué # 1294 (10), le second dans la vente Couchard # 64 (13), repassé deux fois en vente depuis chez Künker en 2007 et en 2009 (14).









François II, Pistole d’or, 1587
(vente Künker # 160/4180 du 30/09/2009)





La logique voudrait que d’autres millésimes apparaissent, en particulier postérieurs à 1574, millésime décrié par l’ordonnance de septembre 1577 selon Poey D’avant (4), d’autant que les demi-pistoles sont, elles, connues en 1575, 1577, 1578, et 1579.

Dans toute l’histoire de la production monétaire de la principauté, il y a des « manques » importants dans la suite des millésimes, et ce dans tous les métaux. Mais notre expérience montre que des découvertes régulières les comblent peu à peu.

C’est dans ce contexte que nous avons été amenés à une découverte importante avec un millésime inédit dans cette série de pistoles pour Louis II de Montpensier.



















Atelier de Trévoux, Pistole, or - 1579

+ LVDO . P . DOMBARVM . D . MONTISP Ecu de Bourbon couronné
+ DNS . ADIVTOR . ET . REDEM . MEVS . 1579 Croix feuillue
6,5 g
Divo Dombes -, Poey d’Avant -, Mantellier -, Boudeau -, Sirand -, Friedberg -
(Collection de l’auteur)


Cette monnaie, quoique montrant des signes d’usure, reste suffisamment bien conservée pour pouvoir être comparée aux exemplaires connus des autres millésimes. Les poids et diamètre sont ceux attendus pour une telle pièce, les légendes d’avers et de revers sont identiques à celles du plus grand nombre des exemplaires de 1578.

Si l’on excepte, bien sûr, les deniers et doubles tournois, que l’on retrouve en abondance, de même que les douzièmes d’écu d’Anne-Marie Louise de Bourbon Montpensier, les fameux Luigini (6), plusieurs éléments laissent penser que les émissions monétaires de la Dombes étaient de faible abondance. Le peu d’exemplaires qui nous soient parvenus tout d’abord, mais également l’observation des liaisons de coins : il est bien rare que ces monnaies, connues à quelques exemplaires seulement, ne partagent pas entre elles au moins l’un des deux coins, d’avers ou de revers. À titre d’exemple, notre exemplaire du quart d’écu de Henri II de Montpensier partage les coins d’avers et de revers avec celui de la vente Claoué (10, 12). Plusieurs autres exemples analogues laissent penser que le nombre de coins fut très réduit, et partant, la production aussi. Il n’y a néanmoins aucun élément permettant de penser que la production, même faible, n’ait pas été continue. Des exemplaires de 1575 à 1581 existent donc probablement dans diverses collections privées. L’intérêt grandissant pour les monnayages provinciaux ne devrait pas manquer de les faire réapparaître au grand jour…


Conclusion


Pour conclure, nous dirons que l’ouvrage de M. Divo (1), s’il a permis de clarifier la compréhension du monnayage de la Dombes, particulièrement en établissant les raretés relatives des différents types, donne surtout les directions dans lesquelles les numismates doivent orienter leurs recherches s’ils veulent arriver à une relative exhaustivité.



Bibliographie


Ouvrages numismatiques de référence :

1 - DIVO, Jean Paul. Numismatique de Dombes, Fiorino d'Oro 2004
2 - MANTELLIER, Pierre. Notice sur la monnaie de Trévoux et de Dombes, Rollin 1844
3 - SIRAND, Alexandre. Monnaies inédites de Dombes, Milliet-Bottier 1848
4 - POEY D' AVANT, Faustin. Monnaies féodales de France, tome III, Rollin 1862, pp 86-117
5 - CARON, Emile. Monnaies féodales françaises, Rollin & Feuardent 1882, pp 309-313
6 - CAMMARANO, Maurice. Corpus luiginorum, recueil général des pièces de cinq sols ou douzièmes d'écu, dits luigini, 1642-1723, Éditions numismatiques le Louis d'or 1998
7 - FRIEDBERG, Arthur, L. Gold coins of the world from ancient times to present, Coin & currency inst. 2009

Ouvrages généraux :

8 - CATTIN, Paul. L'Ain et son histoire à travers monnaies et médailles, Les amis des archives de l'Ain 2002
9 - UZU, Françoise & coll. Canton de Trévoux en Dombes, ADIRA Rhône-Alpes 1994

Catalogues de vente :

10 - BOUDEAU, Émile. Catalogue général illustré de monnaies provinciales, réédition des Éditions les Chevau-légers 2002
11 - CREDIT DE LA BOURSE, Catalogue de la vente Claoué, 26 et 28 Avril 1993
12 - CGF, Catalogue de la vente sur offres Monnaies XXII, Éditions les Chevau-légers, 29 janvier 2004
13 - ROSSINI, Catalogue de la vente Couchard, 27 janvier 2006
14 - KÜNKER, Catalogue de la vente # 160, 30 septembre et 01 octobre 2009
15 - VARESI, Catalogue de la vente # 54, 18 novembre 2009

Ressources en ligne :

16 - SOMBART, Stéphan. La naissance du portrait monétaire dans l'Europe de la Renaissance, chapitre III : Hors d’Italie, la diffusion européenne : http://www.inumis.com/europe/articles/portrait/portrait4-fr.html




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